mercredi 12 mai 2010

Quand des maisons en kit effacent la misère du monde...

Cauquenes, week-end du 1er mai, 2 mois après le terremoto.
C'est une petite ville en bien mauvais état qu'on y trouve. Comme si on y avait soufflé comme l'on souffle sur un château de cartes. Mais cette fois les cartes éparpillées au sol sont des maisons. Des maisons dans lesquelles vivaient de vrais gens. Et les gens, ils sont en bien mauvais état aussi.

On est une petite dizaine, quelques potes de Valparaiso, quelques autres de Santiago: objectif du week end, construire une media agua, l'une de ces petites maisons en kit qui fleurissent partout au sud du Chili depuis le tremblement de terre. Cette media agua est pour une famille dont la maison s'est écroulée entièrement, il n'en reste plus rien, seule la dalle de béton indique au sol l'emplacement où elle se trouvait. Depuis ils vivent entre une cabane en bois où dorment Maria josé, 4ans, et sa grand mère; une tente pour les parents de Maria José; et une cuisine-camping à ciel ouvert, où règnent en vrac les fauteuils du salon, les jouets de la petite fille et le linge qui sèche là où bon lui semble.
"Pour le moment ca va, on se débrouille comme ca, mais on va arriver la période des pluies..."




Les voisins, quant à eux, attendent toujours leur media agua... "L'Etat n'en envoie pas à tout le monde, et puis comme je n'ai pas de petite fille, je ne suis pas prioritaire" nous raconte la dame d'à coté, à l'intérieur de sa baraque de fortune ou l'eau du thé chauffe dans un feu, à même le sol.


Un petit tour de la ville nous fait nous rendre compte que ca a frappé dur a Cauquenes, bien que 2mois après le terremoto, les rues ait été déblayées, les maisons qui ont souffert portent les lettres rouges des architectes volontaires venus après la catastrophe faire l'état des lieux ("D" pour demoler, démolition) et des coups de marteaux se font entendre à chaque coin de rue; signes d'une volonté archarnée de toujours reconstruire, ne pas se laisser aller au désespoir.


Pourtant, il aurait pu en être tout autrement. Nelly par exemple, aurait eu toutes les raisons de baisser les bras. Sa maison a elle aussi a finit par terre. Et le pire, c'est qu'elle était encore dedans, elle n'a pas réussi a sortir a temps. Mais elle est bien là, devant moi, les yeux en peu mouillés de me raconter que dans cette maison, elle y est née.
Depuis, elle vit dans une media agua, qu'un de ses neveux lui a construit. A elle non plus, l'Etat n'a pas pensé.
Elle nous invite a passer dans son nouveau chez elle, a prendre le petit déjeuner. Sa media agua ressemble presque a la maison qu'elle a du avoir, tableaux aux murs et dentelles sur les meubles. Mis a part le jour qui passe entre les lattes de bois et le froid ambiant.
Elle nous raconte qu'elle aurait aimé plus de solidarité entre les gens de sa rue, mais ici, c'est chacun dans sa misère et qu'elle ne peut compter que sur ses fils. Heureusement qu'ils sont là ses fils.
Je n'ose pas lui demander quels sont ses projets... Que peut imaginer pour son futur une petite Mamie de 75ans, sans revenu, sa maison qui lui est tombé sur la tête?





En plus de la media agua, on ramène des sacs remplis de vêtements que les gens de Santiago ont collecté pour l'occasion. On organise une grosse braderie où les gens arrivent pour choisir en fonction de leurs nécessités.
Dur de vouloir être équitable quand des personnes repartent avec 15kgs de vêtements sur l'épaule quand on voudrait qu'il y'en ait pour tout le monde; quand des petites mamies s'en vont les bras chargés de serviettes hygiéniques; ou quand quelques uns viennent tour à tour te glisser à l'oreille que "c'est une honte que Madame chose ose se pointer quand on sait qu'elle touche aux aides de l'Etat"...



Finalement, l'objectif sera atteint, après de longues heures de travail, de nombreux clous de plantés et une super équipe de gens en or. La famille de Maria José aura elle aussi sa media agua.

Cependant, je me demande en quoi se trouve la solution de donner aux gens ces maisons de fortune, où dans une des régions les plus pluvieuses du pays, passent le jour, l'air et le froid entre les lattes de bois? "C'est une solution provisoire" me répond t-on. Provisoire certes quand on a les moyens de se reconstruire quelque chose de mieux, mais quand ce n'est pas le cas, on voit ce qui se passe dans d'autres régions du Chili déjà affectées par d'autres terremotos; c est à dire des personnes qui vivent depuis des années dans ces media aguas, maisons de misère pour sauver la face du gouvernement. Donner l'impression d'agir quand on ne fait qu'enterrer le problème.

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